Comment vous est venue l'idée de ce roman, L'ANIMAL-SOLEIL ?
A la suite d'expériences sur ce que l'on appelle les mémoires antérieures.

C'est un premier roman ?
Oui. Auparavant, j'avais écrit pour le théâtre.

Que sont ces expériences sur les mémoires antérieures ?
Il existe des techniques qui permettent de faire revenir à la conscience des évènements qui semblent appartenir à d'autres existences. On trouve des descriptions de ce processus dans les ouvrages spécialisés.

Comment se passe une séance de ce type ?
Là, je ne peux vous parler que de la technique que j'ai expérimentée moi-même. Il en existe certainement d'autres.
Le patient, qu'ici j'appellerai plutôt l'explorateur, s'allonge comme dans le cadre d'une psychanalyse, et l'opérateur le guide tout au long d'une séance qui s'effectue dans des conditions de simple relaxation non hypnotique, ou très peu. C'est à dire que l'explorateur reste parfaitement conscient pendant toute la séance.
J'ai tenté de rendre le déroulement d'une séance de ce type dans ma pièce VOYAGE PAR UNE NUIT D'ORAGE.

L'opérateur est-il médecin, psychologue, thérapeute ?
Il peut l'être, naturellement, mais ce n'est pas une nécessité car il s'agit d'une recherche personnelle qui relève davantage de la spiritualité que de la psychologie. Mais, comme vous pouvez l'imaginer, de solides notions de psychologie, d'histoire, et même de géographie, ne peuvent pas nuire.
(Toutefois, si l'explorateur est atteint de troubles psychiques, l'opérateur devra de toute évidence travailler en collaboration avec la personne qui traite le patient, car la réintégration des vies passées suscite souvent une déferlante émotionnelle qui dévaste la petite plage de notre train-train quotidien.)

Vous rapportez dans votre livre le cas d'une personne que ces explorations ont guérie d'une phobie.
Oui. C'est une chose que je n'ai pas expérimentée moi-même, mais ce sont des cas qui sont cités dans les ouvrages spécialisés. Il faut tout de même rappeler à cette occasion que c'est Freud qui le premier a démontré que la réminiscence pouvait supprimer les symptômes. Mais pour en revenir à mon livre, je vous rappelle qu'il n'a rien d'un ouvrage scientifique, c'est un ouvrage de fiction.

Et si l'explorateur raconte n'importe quoi ?
Dans cette affaire, c'est l'explorateur qui est demandeur, pas l'opérateur. C'est donc lui qui a quelque chose à découvrir ou à résoudre. Alors, si l'explorateur raconte n'importe quoi, il aura dépensé son temps et éventuellement son argent pour rien, c'est tout.
D'ailleurs plusieurs facteurs dénonceront la fraude :
· le récit sera dénué de ce caractère d'authenticité si caractéristique de cette démarche
· il tournera court assez vite
· ou bien, si l'explorateur est doué d'une imagination dantesque, il finira par s'emberlificoter dans des recoupements historiques ou géographiques irrecevables. Car ce qui est remarquable dans ces explorations, c'est que, même quand on voit venir quelque chose qui paraît historiquement impossible, on s'aperçoit en fin de compte, vérifications faites, que ça l'était.

Combien de ces séances avez-vous effectuées ?
Une soixantaine.

Et combien de "vies passées" couvriraient-elles?
Une quarantaine.

Sur quelle période s'étendent-elles ?
Sur une période commençant probablement plusieurs milliers d'années avant le Christ et se terminant dans la première moitié du XXème siècle.

Vous avez vécu pendant la première moitié du XXème siècle ?
Je n'en sais rien. J'ai seulement revu une vie de ce temps-là. Ce personnage a-t-il ou n'a-t-il pas existé ? Je ne peux affirmer ni l'un ni l'autre. Etait-ce moi ou pas ? Même réponse. Et c'est vrai pour toutes les autres vies.

En regard de ce que vous avez découvert lors de ces explorations, quelle est, dans votre récit, la part de vérité et la part de fiction ?
J'ai fini par accumuler une masse énorme d'informations et de recoupements très compliqués dont se sont détachées des notions qui m'ont paru intéressantes, notamment en ce qui concerne les relations entre les êtres, et l'évolution de chacun. Avec ce matériel, on aurait pu remplir 6 ou 700 pages mais, paraphrasant Valéry, je dirai que j'ai eu, pendant les trois années de la rédaction de ce livre, tout le temps de faire court.
Je me suis donc trouvée avec quelque chose à dire, et pour le dire, j'ai utilisé quelques éléments de droite et de gauche, et j'ai intégré le tout à un récit de type romanesque. Ce que je crois avoir réellement vécu, car on ne sort tout de même pas de cette aventure sans certaines convictions, n'a d'intérêt que pour moi.

Pour quelle raison avez-vous entrepris ces explorations ?
J'étais à la recherche du sens. Le sens de certaines énigmes de l'existence, le sens de l'existence elle-même.

Et vous avez trouvé ?
J'ai découvert des choses importantes et des liens significatifs entre le passé et le présent. Ma vie en a été transformée. Ce que l'on découvre ainsi n'est pas transmissible tel que, cela n'a de valeur que pour soi. Ce qui est transmissible, c'est cette idée de continuité d'une incarnation à une autre, cette relativité du temps et de l'espace, et surtout cette suprématie de la vie spirituelle sur la vie sociale. Je ne crois pas inutile de le rappeler en un temps où le seul critère de valeur est presque exclusivement l'aspect socio-professionnel, ou même économique, de la vie des personnes.

L'esprit, selon vous, est donc immortel ?
Immortel, peut-être pas, mais il a certainement la vie beaucoup plus dure qu'on ne le croit généralement.

Tout le milieu du livre est occupé par une expérience d'ordre mystique que vit la narratrice. Avez-vous réellement vécu ce type d'expérience vous-même?
Oui.

Est-ce que cela s'est passé comme dans le livre ?
Non. C'était différent. A la fois plus impressionnant et plus simple. C'est difficilement descriptible.

Est-ce que le discours que tient le Scribe dans votre livre reproduit ce qui vous a été transmis lors de cette expérience ?
Encore une fois, ce livre est un roman. Le discours du Scribe y est beaucoup plus long que la transmission que j'ai reçue, qui était aussi beaucoup plus personnelle. Ce n'est pas la même chose. D'autre part, il s'est écoulé pas mal de temps entre cette transmission et l'écriture du roman. Quand j'en suis arrivée à ce passage les pages se sont enchaînées toutes seules les unes après les autres, je ne peux pas dire qu'elles résultent directement de cette transmission, mais je ne peux pas non plus dire qu'elles n'y sont pas liées. Dans ce domaine, tout est très difficilement transmissible - c'est un peu comme si l'on voulait transposer une musique en peinture - et personne ne peut rien faire à votre place, c'est comme dans la création artistique ou dans l'amour.

Mais plus que le contenu du discours, ce qui m'importait était de faire comprendre qu'un tel contact est possible, et qu'il n'est pas nécessaire d'être Thérèse d'Avila ou François d'Assise pour traverser le miroir des apparences. Le ciel n'est pas la chasse gardée des saints et des martyrs.

Pourquoi l'homme a-t-il perdu la faculté de lire les signes, dont il est plusieurs fois question dans le livre?
Les signes relèvent des valeurs de l'esprit, de l'esprit au sens large, et depuis la Renaissance, l'homme s'est focalisé sur la matière et le strict raisonnement. C'était certainement une phase importante et nécessaire de son évolution, mais tout a un prix.
A propos des signes, j'ajouterai qu'il est beaucoup plus prudent de tenir compte de quelque chose qui n'existe peut-être pas que de ne pas tenir compte de quelque chose qui existe peut-être...

L'idée de la symbolique du grand sphinx est-elle de vous, ou la tenez-vous de quelqu'un d'autre ?
Elle est de moi. Ce qui veut dire que d'autres aussi ont pu l'avoir, mais je n'en suis pas informée. Je dirais qu'elle s'est imposée dès le début de la partie centrale du roman. J'ai été très étonnée moi-même de voir jusqu'où elle pouvait conduire. Elle m'a amenée à redire parfois des choses connues de beaucoup, mais répéter une vérité ne peut lui nuire en aucun cas. C'est parfois seulement après l'avoir entendue de nombreuses fois que l'on en découvre la signification. Il vaut beaucoup mieux se répéter dans la vérité qu'innover dans l'erreur !

Il est dit dans le livre qu'un Esprit Messager habite le site des pyramides, le croyez-vous vraiment?
Dans la mesure où l'on admet l'existence d'une dimension spirituelle, le site des pyramides est certainement l'un de ceux où l'on peut imaginer que la spiritualité de l'Egypte ancienne se manifeste avec le plus de force. C'est tout ce que je peux en dire.

Entre vous, et Diane, la narratrice, y a-t-il identité ?
Il y a à cette question deux réponses apparemment contradictoires:
· Non. Diane est Diane et Michèle est Michèle.
· Oui. Mais seulement dans la mesure où, selon moi, un auteur dramatique ou un romancier se doit d'être chacun de ses personnages.

Dans la mesure où l'on admet les vies antérieures, vous connaissez un certain nombre de vos vies passées, connaissez-vous aussi vos vies futures ?
Non. Je n'ai pas fait de recherche en ce sens. J'ai un bon sommeil, je tiens à le conserver.

Est-ce que ces contacts avec le passé peuvent nous aider à mieux vivre le présent et à mieux préparer l'avenir ?
Oui. A mieux comprendre le présent, à mieux l'accepter, donc à mieux le gérer; et à mieux préparer l'avenir en ne perdant pas de vue la loi de cause à effet et la loi d'analogie.

La loi d'analogie dont parle le livre n'est pas celle des scientifiques?
Non. La loi d'analogie dont parle le livre est de nature transrationnelle par le pouvoir d'efficacité qu'elle recèle au-delà de la simple ressemblance.

Pourquoi avez-vous choisi le roman plutôt que l'essai ?
Pour plusieurs raisons.
· La première, c'est qu'il s'agit d'un domaine où les preuves, au sens expérimental du terme, n'existent pas, ou n'existent que très exceptionnellement. Le choix de la fiction s'imposait donc tout naturellement.
· La deuxième, c'est que ç'aurait été un ouvrage extrêmement fastidieux; la réintégration des vies passées est en effet un travail extrêmement long, minutieux, et pour tout dire, parfois assez ennuyeux. Un tel ouvrage ne rendrait pas la dimension à la fois poétique et spirituelle de cette aventure, qui en est le principal attrait, et qui ménage la part de recréation du lecteur, les mots de la fiction n'étant pas seulement ce qu'ils désignent, mais aussi ce qu'ils évoquent.
· La troisième, c'est que le livre a voulu s'écrire comme ça et pas autrement. Il semble que l'on ne fasse pas toujours ce que l'on veut avec les livres ni avec les personnages.

Votre appréhension de l'histoire est très proche de celle d'un cinéaste.
D'un cinéaste, je ne sais pas, mais d'un cinéphile, sans aucun doute. Je suis née dans une famille de producteurs et j'ai commencé très tôt à visionner des quantités de films. J'ai même eu la chance de pouvoir suivre à plusieurs reprises des festivals tels que ceux de Venise, de Berlin et de Cannes. Ma façon de raconter des histoires a donc probablement subi l'influence du montage cinématographique dont le discours m'est beaucoup plus familier que le discours littéraire que je connais moins. En tant que lectrice, je ne suis pas très attirée par le roman qui me paraît trop souvent manquer de rythme et d'inattendu. J'en commence peu et j'en finis encore moins. Avant d'en écrire un moi-même, j'avais co-écrit deux scénarii qui n'ont malheureusement pas encore été tournés, mais qui, eux aussi, m'ont certainement conduite à envisager, dans une certaine mesure, mes récits comme des films. Je crois par ailleurs que seul un très grand écrivain peut résister à l'unité du style. C'est à dire à cet effet lénifiant qu'elle peut avoir sur l'attention du lecteur. Il faut vraiment être très grand pour s'accommoder sans dommage de ce carcan. C'est pourquoi j'ai pour règle de m'en affranchir. Et il se trouve que les ruptures de ton auxquelles j'ai recours conviennent d'autant mieux à mon récit qu'il s'apparente, justement, au montage cinématographique.

Connaisiez-vous dès le début la trame du récit, ou êtes-vous partie à l'aventure ?
Lorsque j'ai commencé, je ne savais pas du tout où j'allais. Le récit s'est développé de lui-même au fur et à mesure.

Mais vous en aviez tout de même choisi le thème?
Oui. La rencontre des Maîtres par delà l'existence présente. Mais en définitive le livre se conclut par la réconciliation de ce que j'appellerais le couple intérieur, c'est-à-dire de la part féminine et de la part masculine qui résident en chacun de nous.

Avez-vous d'autres projets dans le domaine du roman ?
J'ai déjà écrit un deuxième roman, qui est encore inédit, et dont le titre est JAGUAR-NUAGE. J'en ai commencé un troisième dont je ne peux encore rien dire.

Sur quel thème ?
Toujours sur le thème de la réincarnation. Je crois n'avoir rien de plus intéressant à transmettre pour le moment.